Sous la douche

Je me relevai. Il ne bougea pas. Je pris encore le savon entre mes mains, commençai à nettoyer le torse, vaste et solide, modérément poilu.
Je me mis à descendre lentement le long du ventre, gonflé et ceinturé d’abdominaux puissants. Il me fallait du temps pour en couvrir toute la surface. Le nombril était saillant, petite boule blanche autour de laquelle se dessinait la masse ronde. Un astre autour duquel mes doigts gravitaient, en s’efforçant de retarder le moment où ils succomberaient à l’attraction vers le bas, vers la comète dressée contre le bel ordre circulaire de l’estomac.
Je m’agenouillai pour masser le bas-ventre. Je tournai longuement autour des parties génitales, tout doucement, jusqu’à l’intérieur des cuisses.
Son sexe était terriblement gros et tendu. Je résistais à la tentation de le toucher, prolongeant les caresses sur le pubis et entre les jambes. Il se tenait maintenant plaqué au mur, bras écartés, appuyé des deux mains contre les parois, ventre en avant. Il gémissait.
Je sentis qu’il allait jouir avant que je ne l’aie touché.
Je m’éloignai, m’assis en plein sous le jet de la douche et, les yeux toujours fixés sur son sexe trop enflé, j’attendis qu’il fût un peu calmé.
L’eau chaude coulait sur mes cheveux, sous ma robe ; chargé de buée, l’air moussait autour de nous, amortissait les formes et les bruits.
Il avait été au plus fort de l’excitation, et pourtant n’avait pas fait un geste pour hâter le dénouement. Il m’attendait, il m’attendrait aussi longtemps que je voudrais faire durer le plaisir, la douleur.
Je m’agenouillai à nouveau face à lui. Sa verge, encore fortement congestionnée, sursauta.
Je passai ma main sur les bourses, en remontant depuis la base, près de l’anus. Sa verge se redressa encore, plus violemment. Je la pris dans mon autre main, la serrai, commençai un lent mouvement de va-et-vient. L’eau savonneuse dont j’étais enduite facilitait merveilleusement le glissement. Mes deux mains étaient emplis d’une matière chaude et vivante, magique. Je le sentais palpiter comme le cœur d’un oiseau, je l’aidais à courir vers sa délivrance. Monter, descendre, toujours le même geste, toujours le même rythme, et les gémissements, au-dessus de ma tête ; et moi qui gémissais aussi, avec l’eau de la douche plaquant sur moi ma robe comme un gant étroit et soyeux, avec le monde arrêté à hauteur de mes yeux, de son bas-ventre, au bruit de l’eau dégoulinant sur nous et de sa verge coulissant sous mes doigts, à des choses tièdes et tendres et dures entre mes mains, à l’odeur du savon, de la chair trempée et du sperme qui montait sous ma paume.
Le liquide jaillit par rafales, éclaboussant mon visage et ma robe.

Alina Reyès, Le boucher, Seuil, 1988

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